COUR D’APPEL DE THIÈS

PRESTATION DE SERMENT DES JUGES SUPPLEANTS
Mardi, janvier 16, 2018 - 10:17

PRESTATION DE SERMENT
DES JUGES SUPPLEANTS
Aujourd’hui, mes chers collègues, est l’un des jours les plus importants sinon le jour le plus important de votre vie.
Aujourd’hui, vous allez acquérir l’un des attributs qui ne devrait appartenir qu’à Dieu, celui de juger les hommes, vos semblables.
Permettez, en ce jour solennel, à un aîné, qui a blanchi sous les harnais, de vous donner quelques conseils, tirés de la modeste expérience qu’il acquise au cours de sa carrière.
Le premier de ces conseils, le plus important et qui englobe tous les autres est celui-ci :
Craignez Dieu et votre conscience.
N’oubliez pas, en effet qu’un jour, vous aussi vous serez jugés.
Ayez toujours à l’esprit que vous n’êtes que des hommes et que la Justice humaine ne saurait être parfaite.
Soumis à la loi et rien qu’à la loi, essayez de faire de votre mieux pour être toujours en paix avec votre conscience, la mauvaise conscience, source d’insomnie et de remords étant l’ennemi du travail bien fait, de la Justice bien rendue.
Bien sûr, vous ne rendez pas la Justice en votre âme et conscience comme on le faisait jadis du temps des jurés en matière d’assises. Mais si vous prenez garde à ce ne pas violer la loi, vous pourrez, je vous l’assure chers collègues, dormir en paix, la conscience tranquille.
Craignez donc Dieu et votre conscience et vous serez d’excellents juges.
Ne craignez pas mais respectez votre hiérarchie. Ce respect n’altère en rien votre indépendance en tant que magistrat
Vous entrez aujourd’hui dans un corps prestigieux, organisé où existent des règles que vous devez respecter.
Vous avez des supérieurs hiérarchiques. Respectez-les et respectez les instructions qu’ils vous donnent sur le plan administratif.
Il leur appartient par exemple, et j’insiste là-dessus, de vous autoriser à vous absenter lorsque vous devez quitter le ressort de votre juridiction. Vous avez en effet une obligation de résidence dans le lieu du siège de votre juridiction. Votre chef de juridiction doit par conséquent toujours savoir comment et où vous joindre.
Indépendant quand vous officiez en votre qualité de juge, n’oubliez jamais que vous dépendez sur le plan administratif de vos supérieurs hiérarchiques par qui d’ailleurs toutes vos correspondances doivent passer. Donnez leur par conséquent tout le respect qui leur est du.
Respectez également toutes les autres autorités que vous aurez à côtoyer, qu’elles soient administratives, politiques, religieuses ou traditionnelles.
Vous appartenez, quoiqu’on en dise, à la cité malgré l’obligation de réserve qui pèse sur vous et qui vous impose de mener des activités qui ne sont pas de nature à porter atteinte à votre dignité de magistrat et à votre indépendance.
Respecter une autorité ne signifie en aucune façon se compromettre avec elle, s’inféoder à elle, mais vivre en bonne
entente, en bonne harmonie, collaborer loyalement lorsque les circonstances l’exigent, avec elles, tout en veillant à observer en tout la réserve, l’honneur et la dignité que vos fonctions de magistrat vous imposent.
Respectez-vous entre vous chers collègues. Vous constituez une famille : la famille judiciaire. La soif d’indépendance ne doit pas nous diviser mais au contraire nous unir, car ce n’est que dans l’unité que nous parviendrons à redorer le blason de la Justice qui a été souvent malmené ces temps passés avec les quelques scandales que nous avons connus qui ne sont pas spécifiques à notre corps mais qui sont inadmissibles chez nous qui incarnons une vertu.
Respectez également, chers collègues, vos collaborateurs les greffiers et les auxiliaires de Justice.
Sans eux point de bonne Justice.
Mieux vaut souvent prendre conseil auprès d’un greffier expérimenté que de se référer à des ouvrages de droit trop théoriques et parfois difficiles à mettre en oeuvre dans la pratique quotidienne du droit.
Quelle justice serait rendue si les justiciables n’étaient défendus par des Avocats ? Souvent un bon avocat permet d’éviter des erreurs judiciaires et de rendre une bonne Justice.
Tous les autres acteurs de la Justice, qu’ils soient ou non officiers de police judiciaires (gendarmes, policiers, douaniers, gardes pénitentiaires et j’en passe), qu’ils soient notaires, huissiers de Justice, commissaires priseurs, sont indispensables pour une bonne administration de la Justice. A les côtoyer au cours de votre carrière que je vous
souhaite longue et fructueuse, vous vous rendrez compte qu’ils constituent les rouages essentiels de la Justice aussi bien pour l’établissement des acte judiciaires qui serviront de base à toute poursuite ou que vous aurez à interpréter, que pour l’exécution des décisions que vous aurez à prendre. Ils sont par conséquent au début et à la fin de toute procédure judiciaire.
Respectez enfin et surtout les justiciables qui font partie du peuple sénégalais au nom duquel vous rendez la Justice.
Les respecter, c’est essayer d’améliorer le fonctionnement de la Justice, en faisant des choses toutes simples comme prendre ses audiences à l’heure, éviter les multiples renvois sans explications, pour ne pas donner raison à ceux qui déplorent les lenteurs de la Justice et les mettent sur le dos des magistrats alors
que dans la plupart des cas ils n’y sont pour rien.
Vous veillerez également à être impartiaux en rendant la Justice sans considération de personne ou d’intérêts.
Ainsi vous aiderez la Justice sénégalaise à être mieux perçue, mieux approuvée par les sénégalais qui malheureusement souvent par ignorance, ont une image totalement erronée de la Justice de notre pays.
Faites vous par conséquent craindre des délinquants financiers et veillez à ne jamais vous compromettre avec eux.
Respectez les conseils qui viennent de vous être donnés et vous serez d’excellents magistrats.
Violez-les, et vous verrez, si vous ne vous faites pas radier pour avoir manqué aux devoirs de votre état, à l’honneur, à la
délicatesse, ou à la dignité, qu’il existe une Justice immanente supérieure à celle rendue par les hommes.
Aujourd’hui vous prêtez serment.
Aujourd’hui le glaive de la Justice vous est confié.
Veillez à toujours l’utiliser à bon escient et à ne pas le tâcher de sang innocent.
Thiès, le 16 janvier 2018
HENRI GREGOIRE DIOP
Veillez à présent vous présenter à la barre. La Cour va recueillir votre serment.
La Cour vous donne acte de votre serment et dit que de tout, il sera dressé procès-verbal pour servir et valoir ce que de droit.
Article 09 : SERMENT DES JUGES SUPPLEANTS
LOI ORGANIQUE N°2017-10 DU 17 JANVIER 2017
PORTANT STATUT DES MAGISTRATS
« je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions de magistrat, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la constitution et des lois de la République, de garder scrupuleusement le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence des juridictions et d’observer en tout la réserve, l’honneur et la dignité que ces fonctions m’imposent. »

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